"À peu près tout a changé dans ma vie"

Interview, 20 Mai 2023: Le Quotidien jurassien, Benjamin Fleury

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Quel changement, quelle trajectoire. Elisabeth Baume-Schneider se fait à sa nouvelle vie, mais n’oublie pas pour autant son Jura. Grand entretien cinq mois après son accession au pouvoir suprême suisse.

Le mobilier et la décoration apparaissent sommaires. "C’est un peu du provisoire qui dure. Mais c’est tout un processus. Je vais aller à l’Office fédéral de la culture pour choisir les tableaux une fois qu’on aura mis les nouveaux meubles", sourit Elisabeth Baume-Schneider. La conseillère fédérale des Breuleux a pris ses quartiers dans l’aile ouest du Palais fédéral, à quelques pas seulement de la salle du Conseil fédéral. Pour le moment, il n’y a que quelques plantes, des ouvrages, des figurines, dont des sapins, sur ses étagères.

Les Franches-Montagnes ne sont pas loin. Un "paysage déroulé" d’Hubert Girardin rappelle aussi, s’il le fallait, à la première conseillère fédérale jurassienne les paysages boisés de son district.

Les plus grandes affaires fédérales, leur rythme soutenu, retiennent désormais Elisabeth Baume-Schneider. Mais malgré les exigences de la fonction, de nouvelles pressions politiques et médiatiques, elle ne perd pas sa spontanéité, sa ferveur et ses références au canton du Jura.

Le Quotidien jurassien: Elisabeth Baume-Schneider, nous venons de vivre un moment fort de l’histoire jurassienne avec la publication du concordat réglant le transfert de la ville de Moutier. Qu’en pense la conseillère fédérale en charge du dossier jurassien?

En tant que conseillère fédérale, j’ai un rôle de médiation, uniquement lorsqu’il est requis par les cantons. Je suis extrêmement reconnaissante que la décision de la population de Moutier ne soit pas entravée par les discussions menées entre les cantons, bien au contraire! Les deux délégations ont pris leurs responsabilités pour que l’arrivée de Moutier soit effective en 2026. L’aboutissement du concordat est une étape supplémentaire sur le chemin institutionnel qui pacifie et clarifie les relations en lien avec l’accueil de Moutier. La signature avait été possiblement remise en question à cause de désaccords sur les montants dus au titre de la péréquation financière. Mais les délégations ont montré que le dialogue était possible.

L’ancienne militante jurassienne a-t-elle droit à un avis autorisé?

J’ai apprécié que les deux délégations soient ouvertes au fait que j’assume ce dossier. J’ai le droit d’avoir des avis sur tout. Mais j’ai un devoir de réserve.

Que représente le dossier jurassien dans votre mandat?

Il n’a pas suroccupé le temps, mais il a été suivi avec toute l’attention requise. Comme chaque dossier, il a son importance.

Comment se passe ce début de mandat?

Bien! Il faudrait demander à mes collaborateurs (rires), mais j’ai beaucoup de plaisir. C’est une expérience d’exécutif particulière, enthousiasmante, qui demande beaucoup de disponibilités. Mais si on aime faire de la politique, c’est un mandat extrêmement créatif, exigeant. Il permet d’orienter ou de prendre part à des décisions très importantes pour l’ensemble du pays ou pour le positionnement de la Suisse sur le plan international, par exemple dans le domaine de la migration.

Qu’est-ce qui a changé dans votre vie?

À peu près tout! Comme conseillère aux États jurassienne, je pouvais être plus présente dans mon canton et dans la vie associative. Désormais, j’ai une vie alternée entre les jours de semaine que je passe à Berne, où j’ai un appartement, et les week-ends que je passe dans le Jura. Ensuite, je dois bien sûr mentionner la charge de travail. Il est évident qu’un tel mandat occupe généreusement vos journées, depuis tôt le matin jusqu’à tard dans la soirée. Mais c’est gratifiant et je peux compter sur des collaboratrices et collaborateurs très disponibles.

Et les déplacements… la sécurité… vous supportez?

Il faut parfois être accompagnée par une présence discrète de la police, comme lorsque j’ai assisté à un match du HC Ajoie. Cette présence est précieuse, même si je me sens très en sécurité. Elle vise aussi à éviter de donner une mauvaise image. Imaginez par exemple si quelqu’un lance un verre de bière en l’air et que je le reçoive, ce serait problématique pour la police jurassienne. Je dois désormais anticiper, annoncer mes déplacements, mais je n’en souffre pas. Globalement, je trouve qu’on a une chance énorme d’être en Suisse avec une population qui respecte dans l’ensemble ses élus. Il est aussi possible de se déplacer sans mesures de sécurité. Le week-end passé, je suis par exemple venue voir mon mari et mon fils courir le Grand Prix de Berne.

Et désormais, on doit vous reconnaître davantage?

Ce sont surtout les personnes âgées qui me reconnaissent! Certaines personnes parlent de moi discrètement, d’autres veulent faire des selfies. Certains m’appellent "üsi Bundesrätin" (n.d.l.r: notre conseillère fédérale). Je trouve joli et sympathique.

Et vos fameux moutons à nez noir… les gens vous en parlent encore?

Oui, ça arrive. Ils me demandent comment ils vont, s’ils ont eu des petits! Je n’ai pas envie d’être enfermée dans cette image, même si je trouve que c’est un joli clin d’œil, car je suis fille de paysans. J’ai toujours dit que le canton du Jura incarne une ruralité moderne. La manufacture de montres Richard Mille, aux Breuleux, est un bon exemple de cet équilibre entre innovation et tradition.

L’accueil qui vous a été réservé dans le Jura après l’élection vous a visiblement marquée?

Oui. Cette fête était très belle. Les parlementaires des autres cantons ont été surpris par cette ferveur. Ils ont pu se rendre compte que c’était important pour le canton du Jura. J’ai eu l’impression que le temps s’était arrêté dans le Jura lors de l’élection. Un médecin m’a même dit qu’il avait arrêté de consulter pour la suivre. Je suis très reconnaissante de cette bienveillance collective.

Letzte Änderung 20.05.2023

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